Audrey, câbleuse industrielle : une femme de terrain qui bouscule les codes
Au départ, Audrey voulait devenir maître-chien, mais la vie en a décidé autrement. L’école militaire à laquelle elle postule après la classe de 3e pour réaliser son rêve la refuse car elle n’est pas assez grande. Du coup, elle suit les traces de son frère, qui prépare un BEP électro-technique. Ses parents « ne sont pas chauds » de la voir s’engager dans un métier d’homme. Le directeur de l’école tente de les rassurer : cinq autres filles se sont inscrites. Mais à la rentrée, elle se retrouve seule : les autres se sont dégonflées… Seule fille sur une promotion de 250 élèves ? « Il faut avoir du caractère », répond-elle sobrement. Moins pour se faire respecter que pour trouver un stage.
Un déclic chez ABC AUTOMATION : la révélation du câblage
« Je voyais les portes se fermer les unes après les autres. » Elle ne se décourage pas et finit par se faire embaucher dans un service de maintenance industrielle chez un sous-traitant automobile. L’expérience ne l’emballe pas : « Je suis plutôt du genre hyperactive. Attendre que les machines tombent en panne, ce n’est pas vraiment mon truc… » Après son BEP, elle enchaîne avec un bac pro et se heurte à nouveau à la difficulté de trouver un stage. Par ailleurs, la pression monte car son père vient de décéder. « Je voulais travailler le plus rapidement possible pour gagner ma vie. » Délaissant la maintenance, elle frappe à la porte d’ABC AUTOMATION, alors dirigée par Alain Binisti. Nous sommes en 2005, la secrétaire de l’époque lui répond que l’entreprise ne prend plus de stagiaires. Elle laisse son CV, sans illusions, mais dix minutes plus tard, surprise :
Je suis tombé amoureuse du câblage
« Monsieur Binisti a dit oui : vous êtes prise ! » Ainsi commence l’histoire d’Audrey chez ABC AUTOMATION, entreprise familiale lyonnaise spécialisée dans la réalisation d’armoires électriques et d’automates industriels. « Je suis tombé amoureuse du câblage, raconte la jeune femme. J’ai découvert un métier manuel qui demande de la méticulosité et de la réflexion pour assembler au mieux les composants. Sans oublier la dimension esthétique : une armoire bien faite, c’est beau ! »
Encore aujourd’hui, avec près de vingt ans de métier, elle reste sous le charme : « On part d'une armoire nue, et à l'arrivée on a un système complexe qui permet d’actionner des process industriels et des grosses machines ! » à l’issue de son deuxième stage chez ABC AUTOMATION, Alain Binisti lui propose un CDD pour les vacances. à la rentrée, elle est embauchée. Mais il lui faut vaincre les réticences de Gregory, le fils du patron, qui dirige aujourd’hui l’entreprise.
S’imposer dans un atelier d’hommes : rigueur, talent et persévérance
« C’est vrai qu’à l’époque j’étais un peu misogyne, reconnaît-il. Pour moi, câbleur, c’était un métier de mec. » « Gregory pensait que je ne m'en sortirai pas avec les portes ou les barres [de cuivre], se rappelle Audrey. Je lui ai montré que la force n’était pas le plus important dans ce métier. »
C’est vrai qu’elle a dû faire plus d'efforts que les autres pour prouver sa compétence
Au fil du temps, elle parvient à amadouer son patron, qui lui reconnaît de belles qualités : « Audrey a du caractère, elle est volontaire, rigoureuse, elle capte vite… C’est vrai qu’elle a dû faire plus d'efforts que les autres pour prouver sa compétence. » Elle se fait aussi sa place à l’atelier où elle est appréciée et respectée de tous : « Je travaille souvent en binôme, et cela se passe très bien. »
Je fais un métier passionnant compatible avec ma vie de famille
Aujourd’hui, à 38 ans, cette mère de deux enfants estime avoir de la chance : « Je fais un métier passionnant compatible avec ma vie de famille. Je remercie Gregory de m’avoir permis d’évoluer dans son entreprise. »
Audrey reste pourtant la seule femme sur le terrain. « Il y a eu deux ou trois tentatives, explique-t-elle, mais les candidates ne se sont finalement pas présentées ou sont parties au bout de quelques jours. » Preuve qu’il y a encore du chemin à parcourir, tant du côté des femmes que des entreprises.
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