Le marché des pompes à chaleur, le vent en poupe
Le marché du chauffage et de la climatisation connaît une transformation façonnée par les exigences croissantes de la transition énergétique, encourageant le remplacement des systèmes de chauffage obsolètes par des alternatives plus performantes et respectueuses de l'environnement.
Symbole de l’utilisation de l’énergie renouvelable dans les systèmes CVC, les PAC connaissent une forte augmentation des ventes 5 772 000 PAC air/air soit - 8 % sur un an, 346 000 PAC air/eau soit + 30 % sur un an une hausse des ventes de pompes géothermiques de 2 900 (+ 7 % sur un an) sur le territoire français (et européen).
Ces ventes sont stimulées par l'interdiction des chaudières à gaz dans les logements individuels neufs (entrée en vigueur en janvier 2022) et l'interdiction des chaudières fioul dans les logements neufs et anciens depuis juillet 2022.
Mesure dissuasive supplémentaire : même les chaudières à gaz les plus performantes (dites THPE) sont progressivement exclues des dispositifs d’aide financière à la rénovation. Plus particulièrement, ces équipements sont désormais exclus des Certificats d’Économie d’Énergie (CEE) depuis le 1er janvier 2024.
Les projets de géothermie se multiplient donc sur le territoire français, et notamment à grande échelle. À Saint-Denis par exemple, c’est tout un quartier qui bénéficie de cette technologie verte. Plus de 600 000 m² de bâtiments raccordés au réseau de géothermie, pour un apport en énergie renouvelable estimé à 68% du mix, et l’émission de 4 747 tonnes de CO₂ évitées chaque année.
La filière est dynamique, et les objectifs de production sont élevés. Avec la volonté du Gouvernement et des ministères concernés de passer de 350 000 équipements produits à 1 million de pompes à chaleur d’ici à 2027, les PAC sont définitivement inscrites dans une tendance de fond de verdissement des systèmes de chauffage et ventilation.
L'essor des systèmes connectés
Les systèmes CVC connectés représentent une transformation majeure du secteur, allant au-delà du simple contrôle à distance pour embrasser un écosystème de technologies intégrées qui améliorent significativement l'efficacité énergétique, le confort et la gestion des bâtiments.
Solutions SCADA, vannes d’équilibrage connectées, servomoteurs numériques… Toutes ces nouvelles technologies transforment les systèmes traditionnels en solutions intelligentes et optimisées :
- Avec une parfaite transparence sur les performances du système et un accès immédiat aux informations, les gestionnaires de bâtiments peuvent prendre des décisions éclairées, optimiser les performances et réagir rapidement en cas de problèmes techniques
- Les systèmes connectés offrent une grande flexibilité en termes de conception et d'installation, tout en étant compatibles avec divers produits et systèmes existants, facilitant ainsi l'intégration dans les bâtiments neufs ou rénovés
- L'automatisation et la numérisation des processus de mise en service réduisent le temps et l'effort nécessaires pour l'installation (à pondérer par les difficultés de configuration et d’intégration aux systèmes de GTB parfois rencontrées par les opérateurs) et la maintenance
Sur ce dernier point, la maintenance prédictive, enrichie par les avancées de l'Internet des Objets (IoT) et de l'Intelligence Artificielle (IA) est une approche novatrice qui se distingue par l'utilisation de données de fonctionnement en temps réel. Elles permettent une anticipation précise des interventions de maintenance en fonction de l'état réel d'un équipement.
La maintenance prédictive repose sur l'intégration de capteurs et d'enregistreurs aux équipements CVC, connectés à un système d'exploitation des données collectées. Cette intégration permet une gestion plus rationnelle des actions de maintenance, d’autant que la télémaintenance, une composante de cette approche, permet des interventions à distance sur certains types de pannes, réduisant encore davantage les besoins en interventions physiques.
Optimisée, rationnelle et économique, la maintenance prédictive se positionne clairement comme l’avenir de la pratique, comme l'attestent les prévisions de croissance de ce marché à l’international, qui devraient quadrupler entre 2021 et 2026.
Des réformes qui continuent d’accélérer la transition de la filière
La transition vers une société plus écologique continue de s’intensifier. Du point de vue de l’énergie, les pouvoirs publics exploitent 2 grands axes de développement :
- L’utilisation de davantage d’énergies renouvelables, bien illustrée dans le secteur du CVC par la montée en puissance de la pompe à chaleur, mais également par la croissance des chaudières biomasse ou encore des chauffe-eau solaires
- La réalisation d’économies d’énergie substantielles à travers la rénovation des bâtiments, que ce soit à travers de grandes réformes, tel que le plan de rénovation des écoles lancé en milieu d’année dernière, ou l’amélioration des dispositifs d’aides pour la rénovation énergétique des bâtiments anciens
Sur ce sujet, le dispositif de prime “MaPrimeRenov” observera par exemple un renforcement de son budget global en 2024, de 2,4 à 4 milliards d’euros. Cette augmentation devrait permettre de couvrir jusqu'à 90% des coûts de rénovation de certains projets, et de financer la rénovation énergétique de 700 000 logements, dont 200 000 rénovations majeures.
Autre axe de développement à suivre de près cette année : les alternatives aux gaz fluorés. Un accord entre les États membres de l’UE a été trouvé en fin d’année 2023 pour accélérer le calendrier de réduction des quotas de mise sur le marché.
Ces gaz, utilisés en CVC dans les climatiseurs et les PAC, disposent d’un pouvoir de réchauffement bien plus élevé que le CO₂. Face à cela, des fluides frigorigènes naturels tels que le R-290 et le R-744 gagnent du terrain, offrant des GWP extrêmement bas. En parallèle, des mélanges HFC/HFO, comme le R-452A et le R-513A, émergent aussi comme des alternatives viables à court et moyen terme pour les applications de réfrigération et de climatisation.
L’importance croissante de la qualité de l'air intérieur
La qualité de l’air intérieur (QAI) a, elle aussi, déjà entamé sa révolution. La RE2020, appliquée depuis 2022, impose désormais une obligation de vérification des systèmes de ventilation dans les logements résidentiels neufs, car trop souvent défectueux. À l'horizon 2025, de nouvelles normes seront introduites pour renforcer ces exigences, et lutter contre la mauvaise qualité de l’air, un préjudice estimé à 19 milliards d’euros par an selon l’OQAI :
- Une révision de la norme européenne EN 16798-1 est en cours afin d’être transposée dans le droit national. Elle concernera notamment les seuils de débit d’air par pièce pour le résidentiel
- Un nouvel arrêté fixera des niveaux de performance pour les systèmes de ventilation dans les logements, y compris des indicateurs concernant les concentrations en CO₂ et l'humidité, ainsi que l'exposition aux polluants
Parallèlement, des innovations technologiques et systémiques émergent : textile photocalyseur au faible impact carbone, système de ventilation intelligent avec capteur de QAI ou conditionnement d’air TTAP (Terminal de Traitement d’Air à effet Peltier) en sont quelques exemples à suivre de près.
Des projets comme JUST’Air travaillent à l'amélioration des performances des systèmes de ventilation, particulièrement dans le cadre de rénovations. En fournissant des outils et des référentiels techniques, le CEREMA, à l’initiative de ce projet, aide à choisir les meilleures stratégies de ventilation.
Technologie ou modèles disruptifs, d’autres innovations émergent
Faisons un peu de futurologie pour conclure cet article sur les tendances 2024 du génie climatique. Qu’attendre du secteur du CVC à moyen et long terme ?
Le développement des innovations technologiques, assurément. L'intégration croissante de l'intelligence artificielle dans le domaine des "Smart HVAC" promet de révolutionner le marché. Ces systèmes, devenant auto-apprenants, ajusteront de manière autonome leurs paramètres en fonction des besoins des utilisateurs et des conditions environnementales, et seront capables de prédire les défaillances avec encore plus d’efficacité.
Autre évolution à prévoir pour le marché du génie climatique, plus structurelle cette fois : le développement du HVACaaS - “CVC en tant que service”.
En substance, ce modèle d’affaire innovant transfère la responsabilité du système (de climatisation par exemple) à un prestataire spécialisé qui possède et gère l'équipement et les installations, et assure la maintenance. Pour le client, les coûts opérationnels sont ainsi réduits de 10 à 20% par rapport à un modèle en propriété, pour ces raisons :
- Pas de coût d’investissement initial
- Pas de frais de maintenance ni de remise à niveau de l’équipement
- Facturation à la consommation réelle, avec des tarifs souvent optimisés
- Accès aux dernières innovations technologiques proposées par le vendeur
En conclusion, les crises successives et le contexte inflationniste actuel appellent à une certaine vigilance sur les coûts des systèmes de CVC et de leur approvisionnement énergétique. En complément, la transition énergétique œuvre pour bousculer les habitudes du marché à travers une réglementation restrictive, certes, mais initiatrice d’un mouvement qui pousse les entreprises à innover. L'avenir du génie climatique réside donc dans l'innovation continue, mais aussi dans la manière dont nous concevons et interagissons avec ces systèmes, et notre capacité à agir pour une planète plus durable.