Recruter une femme dans le bâtiment, oui, c'est possible !
C’est l’histoire d’un retour au pays. Après avoir franchi le cap de la trentaine, Sarah décide de revenir à L’Isle-Jourdain, petite ville du Gers où elle a grandi. Avec un bac médico-social en poche suivi de quelques semestres de fac d’histoire et d’histoire de l’art, elle se demande bien ce qu’elle va pouvoir faire. Une certitude, elle ne se voit pas dans un bureau. Elle frappe alors à la porte de l’Afpa du coin et se laisse convaincre de suivre un CAP d’installateur technique et sanitaire. « J’ai toujours eu de la considération pour les gens du bâtiment », explique-t-elle.
Je voulais montrer à nos collaborateurs, nos clients, nos confrères que recruter une femme, c’était possible.
La formation lui plaît : « J’aime bien travailler la matière : le fer, le cuivre… » En décembre 2019, elle postule chez LET Lafforgue, une entreprise de CVC (Chauffage, Climatisation, Ventilation) d’une cinquantaine de salariés. Eric Pottier, qui a repris l’entreprise avec son associé Didier Treille en 2008, lui donne sa chance. « Sarah avait encore beaucoup à apprendre, mais cela ne nous a pas arrêtés, assure-t-il. Nous avons l’habitude d’intégrer des gens avec peu d'expérience et de les former pour qu'ils deviennent autonomes. » En outre, le dirigeant est séduit par le tempérament volontaire et la franchise de la jeune femme. « J’ai aussi choisi Sarah dans un objectif de mixité, poursuit-il. Je voulais montrer à nos collaborateurs, nos clients, nos confrères que recruter une femme, c’était possible. »
Un compagnon comme les autres
Pour Sarah, comment se passe l’intégration dans un monde d’hommes ? « Je n’ai jamais eu de problème avec ça, répond-elle. Je n’ai pas eu à subir de bizutage ni de propos déplacés. » Certes, elle a dû parfois fixer une limite aux plaisanteries et à la familiarité, mais elle ne manque pour cela ni de répondant ni d’humour. Sa ligne : être un compagnon comme les autres, montrer qu’on peut compter sur elle. « Sarah a toujours refusé d’être traitée différemment des hommes, confirme son patron. Elle est allée jusqu’à refuser un véhicule climatisé – option qui m’avait été imposée – pour que cela ne soit pas perçu comme un privilège par ses collègues ! » Après un premier mouvement de surprise, les gens s’habituent. Sarah se souvient de cette cliente chez qui elle débarque pour remplacer une chaudière et qui s’étonne : « Mais vous n'avez pas un collègue pour vous aider ? »
Je me sens plus à l'aise pour prendre des décisions sur les chantiers
Tout n’a pas été simple pour autant. « Pendant longtemps, je ne me suis pas sentie légitime », reconnaît Sarah. « Je devais régulièrement lui rappeler qu’elle n’était plus une stagiaire », abonde son patron, qui l’a coachée pendant ces années. Aujourd’hui, alors qu’elle entame sa cinquième année, elle est autonome sur la plupart des tâches. Elle réalise notamment de nombreuses interventions chez les particuliers : pose de clim, de PAC, etc. « Je me sens plus à l'aise pour prendre des décisions sur les chantiers », assure-t-elle. Elle est bien intégrée dans l’entreprise et appréciée de tous. Seul aménagement concédé, elle fait 35 heures par semaine, contre 39 pour les autres : « Maman solo, j’avais besoin de temps pour caler les rendez-vous pour mes deux filles. »
Elle a ouvert la voie
Aujourd’hui, à 37 ans, Sarah est à l’aise dans son métier et n’hésite pas à témoigner de son parcours, comme dans ce lycée où elle est intervenue récemment à la demande d’une association d'orientation professionnelle. Chez LET Lafforgue, elle a ouvert la voie. L’entreprise accueille régulièrement des stagiaires femmes et une nouvelle apprentie, Selva, est arrivée il y a quelques mois. « Sarah et Selva font évoluer les choses, se félicite Éric. Elles montrent qu’intégrer des femmes dans nos équipes est simple et normal. Et peut-être une réponse à la pénurie actuelle de candidats ! »
Femme du bâtiment : Delphine témoigne de son quotidien en vidéo
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