J’ai une fille dans mon effectif, j’en suis très fier et je n’hésite pas à communiquer sur ce point
C’est en ces termes que Mickaël Yobé, dirigeant de l’entreprise BSE, à Hillion (Côtes d’Armor), évoque le sujet de la place des femmes dans le domaine du bâtiment. Cette entreprise de plomberie, chauffage et électricité a accueilli il y a deux ans Roxane, apprentie en CAP Électricienne.
Aujourd’hui en première année de BP au CFA Côtes-d’Armor, la jeune fille poursuit son apprentissage au sein de l’entreprise.
L’intérêt du métier d’électricienne vient avant tout de son côté manuel
« Roxane est un véritable atout, elle apporte une touche très minutieuse dans un métier qui n’est plus réservé aux garçons », ajoute Mickaël Yobé.
Pour Roxane, l’intérêt du métier d’électricienne vient avant tout de son côté manuel : « On arrive à bien voir le résultat de notre travail, on voit quand tout fonctionne, on peut vérifier. » Elle apprécie aussi sa variété : « C’est un métier technique qui nécessite de toujours réfléchir, d’apprendre plein de choses, de se perfectionner tous les jours. » Son goût pour l’électricité s’est révélé par hasard, il y a quelques années, en regardant des vidéos sur Internet.
Pour elle, la pénibilité n’est pas vraiment un sujet : « En électricité, on ne porte pas souvent des choses très lourdes, assure-t-elle. En peinture, on voit beaucoup de femmes. En plomberie, c’est peut-être plus délicat car il y a davantage de choses à porter. Finalement, je ne pense pas qu’il y ait vraiment de différences entre femmes et hommes sur le chantier. »
Faute de candidates, nous n’avons jamais eu de femmes sur le terrain, mais nous avons eu une femme au bureau d’études et nous en avons été très contents... Femme ou homme, tout le monde doit être logé à la même enseigne
Pour Éric Pottier non plus, la pénibilité n’est pas un sujet. Dirigeant de Let Lafforgue, à L’Isle-Jourdain (Gers), entreprise spécialisée en plomberie, sanitaire et CVC, il considère qu’il ne doit pas y avoir de différences de traitement entre les sexes : « Faute de candidates, nous n’avons jamais eu de femmes sur le terrain, mais nous avons eu une femme au bureau d’études et nous en avons été très contents, raconte-t-il. Le fait qu’elle soit une femme est un non-sujet : elle a été admise, intégrée, comme n’importe qui l’aurait été. Femme ou homme, tout le monde doit être logé à la même enseigne. »
Le milieu est majoritairement masculin faute de candidatures féminines
D’après Éric Pottier, quand on intègre une femme dans le domaine du bâtiment, le plus gros challenge, c’est le regard des autres corps d’état, des tiers extérieurs à l’entreprise : « Cela, on ne le maîtrise pas. C’est à nous de monter au créneau s’il y a nécessité de le faire et ce n’est pas parce qu’on considère qu’il faut traiter les deux sexes à l’identique qu’il faut accepter n’importe quoi. » Pour lui, la féminisation dans la profession ne peut être qu’un atout : cela apporterait de la mixité, de la richesse comme le prouve le témoignage de Sarah, plombière chauffagiste chez LET Lafforgue.
Et si un jour l’entreprise doit se positionner au sujet d’une candidature féminine pour un poste à pourvoir, la question qui se posera sera avant tout de savoir si la personne peut faire le travail, pas de savoir si c’est une femme ou un homme. Quant à la pénibilité, elle n’a rien de rédhibitoire : « Évidemment, ajoute-t-il, il faut fonctionner en bonne intelligence s’il y a un radiateur de 50 kg à porter : utiliser des matériels de manutention, porter les choses à plusieurs, il y a des solutions à tout. La pénibilité concerne aussi bien les hommes que les femmes ! » estime Mickaël Yobé que « le milieu est majoritairement masculin faute de candidatures féminines ». Un constat partagé par Pauline Woog, responsable RH du groupe Streiff, à Saint-Martin-Le-Vinoux (Isère) : « Nous aimerions bien recruter des femmes, ce n’est pas une question de pénurie, mais le problème est déjà présent au niveau des effectifs de formations initiales. »
On ne sait pas vendre nos métiers aux jeunes
Pour Mickaël Yobé, l’accès des femmes au métier de plombière peut être en effet plus compliqué à cause du port des charges. Mais la difficulté à trouver des femmes dans les métiers du bâtiment vient selon lui davantage de la mauvaise promotion faite auprès des jeunes que des difficultés de sourcing sur le marché de l’emploi : « Les femmes que l’on retrouve dans nos métiers occupent le plus souvent des postes de chargées d’affaires ou de conductrices de travaux. » Si elles sont bien moins nombreuses pour des postes exclusivement techniques et de terrain, comme plombières ou électriciennes, « c’est tout simplement parce qu’on ne sait pas vendre nos métiers aux jeunes ».
Il faut aller à la rencontre des jeunes, dans les écoles, dans les collèges, pour leur parler de nos métiers et susciter des vocations pour les formations techniques
Alors, comment remédier à cette situation ? « Il faut aller à la rencontre des jeunes, dans les écoles, dans les collèges, pour leur parler de nos métiers et susciter des vocations pour les formations techniques, estime Mickaël Yobé. Je ne vois pas comment on peut faire autrement pour assurer l’avenir de notre secteur. »
La mixité des métiers du bâtiment semble donc être une problématique qui commence dès l’école (lire le paragraphe ci-dessous). Les entreprises ont un rôle à jouer pour changer la donne : à elles de faire connaître les métiers pour développer la filière auprès des jeunes générations, filles comme garçons.
Féminisation des métiers du bâtiment : mieux, mais il reste du chemin à faire !
Doucement, la part de femmes dans le secteur du bâtiment progresse. Elle est passée de 8,6 % en 2000 à 12,3 % en 2018, selon la Fédération Française du Bâtiment (FFB). C’est dans la catégorie des cadres que la proportion des femmes augmente le plus rapidement (19,4 % en 2018, contre 18,4 % en 2017), note la FFB. Près de la moitié des femmes sont des employées ou des techniciennes.
C’est encore plus vrai dans le top management. Plus d’une entreprise du bâtiment sur deux est dirigée ou codirigée par une femme. Et un stagiaire de l’École supérieure des jeunes dirigeants du bâtiment sur quatre est une femme.
Sur le terrain, la situation est bien différente. Les femmes sont moins de 2 % à intervenir sur les chantiers. Le frein le plus important est la pénibilité supposée des travaux. Elle a pourtant considérablement diminué avec la mécanisation des tâches. Si les métiers du bâtiment restent physiques, notamment en raison de l’exposition aux intempéries, ils ne présupposent plus une force physique importante.
En réalité, la mixité des métiers du bâtiment est un peu l’arbre qui cache la forêt : le véritable problème est la méconnaissance de nos métiers auprès des jeunes.
En savoir plus ?
Pourquoi existe-t-il autant de préjugés sur les femmes dans BTP ?
Il y a plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, le BTP est un secteur d’activité historiquement masculin, ce qui a conduit à la perpétuation de stéréotypes et de préjugés selon lesquels les femmes ne seraient pas à leur place dans ce milieu. De plus, les conditions de travail peuvent être difficiles (travail en extérieur, port de charges lourdes, etc.), ce qui peut être perçu comme un frein pour les femmes. Enfin, le manque de visibilité et de représentation des femmes dans le BTP peut également contribuer à renforcer ces idées reçues. Cependant, de plus en plus de femmes s'engagent et réussissent dans ce secteur, ce qui montre que ces préjugés sont erronés et qu'il est temps de les dépasser.
Quelles sont les initiatives mises en place pour changer ces mentalités ?
La CAPEB (Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment) a mis en place un concours intitulé Les Femmes de l'Artisanat pour encourager et promouvoir la présence des femmes dans le secteur du BTP. Ce concours récompense les femmes qui ont créé leur entreprise ou qui occupent une place importante dans l'entreprise familiale.
En plus de ce concours, d'autres initiatives ont été mises en place pour changer les mentalités et encourager les femmes à s'engager dans le BTP. Par exemple, des programmes de mentorat pour les femmes ont été créés pour les aider à développer leur entreprise et à surmonter les obstacles auxquels elles peuvent faire face.
Des associations ont également vu le jour pour promouvoir la présence des femmes dans le secteur, telles que "Femmes du Bâtiment" ou "Femmes et BTP". Ces associations organisent des événements et des conférences pour sensibiliser les femmes aux opportunités de carrière dans le BTP et pour encourager les employeurs à recruter davantage de femmes.
Les médias ont également un rôle important à jouer pour changer les mentalités. Les reportages et les articles sur les femmes dans le BTP peuvent aider à promouvoir la présence des femmes dans le secteur et à inspirer d'autres femmes à suivre cette voie.
Existe-t-il des lois pour favoriser l’emploi des femmes dans les métiers du BTP ?
En décembre 2021, la loi Rixain a été adoptée pour améliorer la représentation des femmes dans tous les métiers du BTP. Cette loi exige que les entreprises de construction de plus de 50 salariés élaborent un plan d'action pour favoriser l'égalité professionnelle entre les hommes et femmes, ainsi que pour encourager la mixité des métiers. Les entreprises doivent également mettre en place des actions de sensibilisation pour lutter contre les stéréotypes de genre dans le recrutement et la promotion professionnelle. Cette loi vise à encourager les employeurs à recruter davantage de femmes dans le secteur du BTP et à leur offrir des perspectives d'évolution professionnelle.
Est-ce qu’il y a des initiatives visant à sensibiliser les jeunes à ces professions ?
Quelques initiatives sont mises en place pour sensibiliser les jeunes aux métiers du BTP. Par exemple, des organisations telles que la Fédération Française du Bâtiment (FFB) et la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (CAPEB) organisent des événements et des journées portes ouvertes pour permettre aux jeunes de découvrir ces métiers. De plus, certains établissements scolaires proposent des formations en alternance dans ce secteur. Enfin, le ministère du Travail et de l'Emploi a lancé une campagne de communication pour encourager les jeunes femmes à se lancer dans les métiers du BTP et briser les stéréotypes de genre associés à ces métiers.
Quels sont les défis auxquels les femmes sont confrontées dans le BTP ?
Les femmes qui travaillent dans des entreprises de BTP sont confrontées à plusieurs challenges. Tout d'abord, le défi de l'intégration dans un milieu professionnel encore très masculin. Les stéréotypes de genre ont longtemps prévalu dans le BTP, et il peut être difficile pour les femmes de se faire accepter et de faire valoir leurs compétences.
Et ensuite, le défi lié à la sécurité au travail. Les femmes travaillant sur les chantiers doivent être particulièrement vigilantes pour éviter les accidents et travailler en toute sécurité. Cela peut être difficile si les équipements de protection individuelle ne sont pas adaptés à leur morphologie.
Quels métiers peuvent être exercés par les femmes dans le BTP ?
Il existe une grande variété de métiers pouvant être exercés dans le BTP. Les métiers manuels tels que maçon, peintre, carreleur, plombier ou électricien sont souvent associés à l'image du secteur des travaux, mais il y a également de nombreux autres métiers tels que la gestion de projet, la conception architecturale, l'ingénierie, la comptabilité ou les ressources humaines. Les femmes peuvent également travailler dans des postes de supervision ou de direction, ainsi que dans des rôles de conseil et de service à la clientèle.
Quels sont les avantages pour les entreprises à recruter des femmes dans le BTP ?
Recruter des femmes dans le BTP peut apporter de nombreux avantages aux entreprises. Tout d'abord, cela permet d'élargir la base de talents disponibles pour les recrutements, en augmentant la diversité des profils. Ensuite, les femmes apportent souvent des compétences et des points de vue différents, ce qui peut stimuler l'innovation et améliorer la performance globale de l'entreprise. Enfin, l'augmentation de la diversité et de la mixité au sein des équipes peut contribuer à renforcer la culture d'entreprise, en améliorant l'inclusion et la cohésion au sein des équipes. L'embauche de femmes peut également aider à lutter contre les stéréotypes de genre et favoriser une image positive de l'entreprise auprès de ses clients et partenaires.
Comment faire sa place en tant que femme dans le BTP ?
Pour une femme, rentrer dans le bâtiment et trouver sa place peut être difficile, mais possible avec détermination et persévérance. Il est important de suivre une formation ou d'acquérir une expérience professionnelle pour acquérir les compétences nécessaires dans le secteur du BTP. Se faire connaître en participant à des événements professionnels ou en rejoignant des associations est également recommandé.