Fluides frigorigènes : évolutions réglementaires F-Gas III et impact sur le secteur de la climatisation et du froid

Le secteur de la climatisation et du froid repose sur l’utilisation de fluides frigorigènes responsables d’émissions de gaz à effet de serre puissants : les gaz fluorés. Afin de lutter contre le réchauffement climatique, la réglementation européenne F-Gas encadre l’utilisation de ces gaz et prévoit une évolution progressive des pratiques. Focus sur les dernières évolutions réglementaires et leur impact sur le génie climatique.

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July 17, 2024
Fluides frigorigènes : évolutions réglementaires F-Gas III et impact sur le secteur de la climatisation et du froid

Qu’est-ce que la réglementation F-Gas III ?

Depuis 2015, la réglementation F-Gas II, également appelée Règlement (UE) n°517/2014, encadre l’utilisation des gaz à effet de serre fluorés. Elle durcit une première réglementation datant de 2006. L’objectif de ce texte est de lutter contre le réchauffement climatique en agissant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l’utilisation de fluides frigorigènes dans la climatisation notamment : les gaz fluorés, au potentiel de réchauffement planétaire (PRP) élevé. Depuis le 11 mars 2024, une nouvelle version de cette réglementation, F-Gas III, appelée Règlement n°2024/573, a pour objectif d’accélérer la transition vers l’utilisation de solutions de substitution plus respectueuses de l’environnement.

La réglementation F-Gas s’appuie sur un indicateur spécifique, le PRP (potentiel de réchauffement planétaire), qui permet de déterminer l’impact d’un fluide sur l’effet de serre. Plus le PRP d’un fluide est élevé, plus ce fluide est néfaste pour l’environnement. Il s’exprime en équivalent CO2 : le principe consiste à convertir les quantités du gaz émis en la quantité équivalente de dioxyde de carbone (CO2) ayant le même PRP. Le CO2 est considéré comme gaz de référence avec un PRP de 1 pour une durée de 100 ans. La réglementation F-Gas II se concentre exclusivement sur les gaz fluorés, tels que les hydrofluorocarbones (HFC), les hydrocarbures perfluorés (PFC) ou encore les hexafluorures de soufre (SF6).

Parmi ces gaz à effets de serre, les HFC sont des gaz réfrigérants encore largement utilisés dans le génie climatique et la production de froid. F-Gas III durcit la réglementation afin de réduire les quantités de HFC produites et mises sur le marché jusqu’à leur suppression complète d’ici 2050. Elle encadre également la 4ème génération de fluides frigorigènes, connus sous le nom d’hydrofluorooléfines (HFO).

Quels sont les nouveaux quotas de HFC autorisés par F-Gas III ?

Depuis 2015, a été mis en place un mécanisme de quotas de HFC utilisables chaque année. Ces quotas sont dégressifs entre le 1er janvier 2015 et 2030. Ils sont exprimés en tonnes de CO2 équivalent (teqCO2). Les révisions successives du règlement F-Gas II ont intégré dans ces quotas les « préchargés » : ce sont les fluides contenus dans les équipements de climatisation et de froid importés déjà chargés en fluide. Elles ont aussi réservé des quantités aux nouveaux entrants sur le marché ainsi qu’aux industriels souhaitant augmenter leurs quotas individuels. Le tout, sans modification des quotas totaux, allant dans le sens d’un renforcement des contraintes sur l’attribution de quotas.

F-Gas III va plus loin en intégrant dans ces quotas les HFC utilisés comme propulseurs dans les inhalateurs utilisés pour traiter l’asthme. F-Gas III abaisse par ailleurs le quota global de référence à 176 700 479 tonnes équivalent CO2 pour 2015 (contre 182,5 millions initialement). La réglementation F-Gas poursuit donc son évolution vers une réduction des quotas de HFC admis annuellement. Les quantités de fluides HFC (vrac + préchargé + inhalateurs + marge pour de nouveaux entrants) pouvant être mises sur le marché décroissent ainsi de 42 874 410 t eqCO2 en 2025 à zéro en 2050.

Enfin, F-Gas III introduit un prix pour les quotas de HFC fixé à 3€ par tonne équivalente CO2.

Quelles sont les nouvelles restrictions d’utilisation des HFC dictées par F-Gas III ?

F-Gas III interdit l’utilisation de gaz fluorés dont le PRP est supérieur ou égal à 2500 pour la maintenance ou l’entretien d’équipements de réfrigération ayant une charge de 40 tonnes équivalent CO2 ou plus. A partir de 2025, tous les équipements de réfrigération seront concernés, sauf exceptions très restreintes (équipements militaires et refroidissement sous -50°C). Jusqu’en 2030, cette interdiction ne s’applique pas aux fluides régénérés ou recyclés. Elle concerne principalement le gaz réfrigérant R404A utilisé dans la production de froid.

À partir de 2026, c’est au tour des équipements de climatisation et des pompes à chaleur d’être contraints à cette même restriction avec un répit pour les fluides régénérés et recyclés jusqu’en 2032.

Enfin, à partir de 2032, l’utilisation de gaz fluorés dont le PRP est supérieur ou égal à 750 pour la maintenance ou l’entretien d’équipements de réfrigération fixes, hors refroidisseurs, sera interdite, à l’exception des fluides recyclés ou régénérés sans limitation de date. Les gaz R134a, le R407C et le R410A sont concernés.

À partir de 2027, les climatiseurs et pompes à chaleur de type monobloc d’une capacité inférieure ou égale à 50kW devront utiliser exclusivement des HFC au PRP inférieur à 150. A partir de 2032, les gaz à effet de serre fluorés seront totalement interdits dans les pompes à chaleur et climatiseurs de type monobloc d’une capacité inférieure ou égale à 12kW.

À partir de 2027, les systèmes thermodynamiques air-eau bibloc d’une capacité inférieure ou égale à 12 kW contenant des HFC dont le PRP est ≥ 150 seront interdites à la vente. Les systèmes bibloc air-air seront à leur tour concernés par cette interdiction dès 2029. A partir de 2035, les gaz à effet de serre fluorés seront totalement interdits à l’ensemble des pompes à chaleur et climatiseurs de type bi-blocs d’une capacité inférieure ou égale à 12kW.

Dès 2029, les climatiseurs et pompes à chaleur de type bibloc d’une capacité supérieure à 12 kW dont le PRP est ≥ 750 seront interdites à la vente. À partir de 2033, cette interdiction à la vente sera étendue aux systèmes dont le PRP est ≥ 150.

Ainsi, dès janvier 2027, le fameux gaz R-32, qui a été le remplaçant du R410a plus polluant, disparaitra à son tour des pompes à chaleur et systèmes de climatisation d’une puissance inférieure ou égale à 12kW et dès janvier 2033 pour les systèmes bibloc ayant une puissance supérieure à 12 kW.

Quid des attestations d’aptitude et certifications dans F-Gas III ?

Les attestations d’aptitude obtenues selon le règlement F-Gas II restent valides selon leurs conditions originales mais elles ne sont plus valables à vie. Ainsi, les techniciens possédant une attestation d’aptitude devront, pour la première fois au plus tard le 12 mars 2029, assister à des cours de remise à niveau ou passer un processus d’évaluation. Cette obligation se répétera ensuite tous les 7 ans.

Au niveau des pratiques, F-Gas III encourage fortement l’utilisation de fluides de substitution présentant un faible PRP, en particulier les alternatives naturelles (CO2, ammoniac, hydrocarbures…). L’accent est également mis dans la réglementation sur l’amélioration du contrôle d’étanchéité des circuits, afin d’éviter les fuites et émissions de gaz à effet de serre, notamment en tenant compte des fluides HFO.

Le programme de formation des frigoristes et climaticiens évolue également, avec de nouvelles thématiques axées sur la manipulation en toute sécurité des gaz inflammables ou toxiques, ainsi que sur l’amélioration de l’efficacité énergétique des équipements.

Quelles sont les alternatives aux HFC pour la climatisation et le froid ?

F-Gas III, en accélérant la réduction de la mise sur le marché des fluides frigorigènes ayant un puissant potentiel de réchauffement planétaire (PRP), encourage l’innovation et le développement de solutions plus respectueuses de l’environnement. Des alternatives voient le jour pour répondre à la demande de production de froid et de climatisation.

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Le R-32, hydrofluorocarbure, est largement utilisé dans les systèmes thermodynamiques, notamment les pompes à chaleur split installées en masse chez les particuliers. Cependant, la réglementation interdit la mise sur le marché de ce fluide en 2027 pour les systèmes thermodynamiques de type bibloc d’une puissance inférieure ou égale à 12 kW. Les fabricants devront progressivement le remplacer avec des alternatives à faible PRP, notamment le dioxyde de carbone (CO2) ou le propane.

Le CO2, aussi appelé R-744, constitue une alternative sérieusement envisagée par le secteur du froid commercial. Déjà utilisé chez certains industriels, il présente l’avantage d’un potentiel de réchauffement planétaire faible. Une vigilance reste cependant de mise pour l’utilisation et la manipulation de ce gaz qui a des pressions de fonctionnement très élevées, ce qui pose un problème de fiabilité du matériel. Une évolution des savoir-faire et une sensibilisation des techniciens sont à prévoir pour la manipulation du CO2 (R-744).

Comme le CO2, le propane, aussi appelé R-290, est considéré comme un fluide frigorigène vert du fait de son impact limité sur l’effet de serre et le réchauffement climatique, son PRP étant égal à 3. De nombreux modèles de pompes à chaleur monobloc fonctionnant au R-290 sont aujourd’hui commercialisés. Le propane reste cependant un gaz fortement inflammable (classe A3), nécessitant des précautions de sécurité rigoureuses. Les fabricants développent des équipements fonctionnant au propane (R-290) en remplacement du R-32. Cependant, cette alternative ne s’applique qu’aux équipements neufs, car le rétrofit d’un système au R-32 par du R-290 présente des défis techniques et réglementaire majeurs, rendant cette conversion pratiquement irréalisable.

Comme souvent dans les secteurs industriels, la réglementation permet une accélération des pratiques. C’est le cas au niveau européen avec la régulation de la production et de la commercialisation des fluides frigorigènes. F-Gas III, par la progressivité des contraintes qu’elle impose, permet au secteur de la climatisation et du froid d’évoluer vers des pratiques plus vertueuses. Elle est ainsi vectrice d’innovation et contributrice à la lutte contre le dérèglement climatique.

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